Marième Badiane «Les épreuves m'ont forgée mentalement»

Mon caractère se forge pendant ces années-là car c’est la période où tu grandis et tu te découvres par la même occasion. C'est réellement à ce moment-là que je prends goût au travail, à la compétition, à la concurrence, au sport de haut niveau tout simplement.

BREST, MA FAMILLE, LÀ OÙ TOUT COMMENCE

J’ai la chance de grandir dans une famille soudée, aimante et bienveillante. Je suis également très proche de mes oncles, tantes, cousins et cousines, même si beaucoup sont géographiquement éloignés.

Mon père est originaire du Sénégal et grandit dans la région parisienne. Ma mère, d’origine polonaise, vit dans le Nord. Ils sont tous les deux basketteurs et leur première rencontre a lieu dans une salle de basket.

Mon père étant professionnel, ma mère enseignante, c’est le basket qui les amène à Brest. J’y suis née et j’y ai grandis, avec ma sœur Célia, jusqu’à mon départ à l’INSEP à 14 ans.

L’année de mes 12 ans, la séparation de mes parents est un vrai choc sur le moment. C’est une chose qu’on voit chez les autres, mais à aucun moment on ne pense que cela va nous arriver. Cependant, mes parents font bien les choses. Mon père n’habite plus avec nous, mais il vient me chercher à l’école chaque fois qu’il le peut. J’ai de la chance, car ils conservent un bon lien entre eux. En réalité, mes deux parents sont omniprésents dans ma vie. A chaque match ou chaque compétition, ils sont là. Je me sens toujours soutenue et accompagnée dans tout ce que j’entreprends, notamment le basket. J’ai vraiment le sentiment de ne manquer de rien.

Depuis toute petite, je passe mes week-ends dans les gymnases pour encourager maman ou papa. Pour autant, je ne suis pas spécialement attirée par ce sport au départ, malgré les différentes tentatives de mes parents. Ma mère me raconte souvent les premières fois où ils m’amènent au baby basket… ou plutôt où ils me tirent, ce n’était vraiment pas gagné…

Ce que j’aime vraiment à ce moment-là, c’est la danse que je pratique depuis mes 3-4 ans et ce, pendant 10 ans. Je fais également 2 ans de natation. L’important pour mes parents, c’est que je fasse du sport.

LA PETITE MARIÈME

Je suis une jeune fille curieuse, qui n’aime pas s’ennuyer. J’aime rigoler et être avec mes amies. Je suis bien dans mes baskets mais pour autant, je ne déborde pas non plus de confiance et d’assurance, notamment quand j’entreprends de nouvelles choses. J’ai beaucoup d’appréhension à aller vers l’inconnu. En fait, je me pose toujours des tas de questions. Je cogite énormément.

J’aime être avec mon groupe de copines au sein duquel je me sens bien. Finalement, je pense que c’est ce qui m’amène vers le basket. J’aime le fait que ce soit un sport collectif, le fait de partager des émotions, des victoires, des défaites et le fait de se créer des souvenirs communs. A ce moment-là, le basket est réellement un loisir. À aucun moment je ne songe à devenir professionnelle. Et surtout, j’adore la danse, je m’y sens vraiment à l’aise. C’est une activité où je peux lâcher prise, où je ne me pose aucune question. Quand je regarde ma fille aujourd’hui, je souris car je me revois en elle, quand elle danse et chante sur n’importe quelle musique.

Au niveau scolaire, je suis une bonne élève. J’aime apprendre. J’ai ce côté perfectionniste qui me pousse à faire les choses bien. J’ai aussi des facilités, donc on peut dire que je ne suis pas vraiment embêtée sur ce plan là.

@Solène Decosta

VERS L’EXCELLENCE SPORTIVE

Pour revenir sur le sport, avant mon arrivée à l’INSEP, tout est récréatif. Je n’ai pas forcément d’ambition spécifique, ni d’envie de carrière. Pourtant, il y a des filles dans mon équipe qui nourrissent ces ambitions-là. Ce n’est pas spécialement mon cas. Ce que j’aime, c’est partir en tournoi, avoir mon petit pique-nique, être avec mes copines en déplacement.

Les tests, les détections, représentent une source de stress pour moi car j’ai toujours le sentiment de ne pas être à la hauteur, que les autres sont meilleures que moi. Et pour autant, cela ne m’empêche pas d’avancer. Je passe les sélections les unes après les autres: départementales, régionales, nationales… Pour finalement me retrouver à l’INSEP.

Ce n’est qu’une fois là-bas que mon approche vis-à-vis du basket change. Je rentre vraiment dans un système de performance où je me retrouve avec les meilleurs potentiels de ma génération.

Il y a toujours des processus de sélections pour les équipes de France jeunes, des critères de hiérarchisation, donc l’esprit de compétition se développe naturellement. 

Je ne me sens pas du tout au dessus, mais je ressens le fait d’avoir un fort potentiel. C’est ce qu’on me répète tout le temps. J’en prends conscience petit à petit. Je prends finalement goût à cet esprit de concurrence et au travail. Cela me pousse à devenir plus forte. Mon côté perfectionniste ressort et me force à faire les choses bien afin de devenir meilleure.

L’INTÉGRATION

Contre toute attente, je ne vis pas mal le fait d’être éloignée de ma famille en entrant à l’INSEP. Ça se passe super bien car je tombe sur un groupe de filles au top. Aujourd’hui, ces filles sont encore mes amies. Je suis vraiment reconnaissante d’avoir pu créer des liens aussi forts et conserver cette proximité, créée à l’INSEP.

Malgré tout, je passe par un petit moment d’adaptation car je vois des jeunes de mon âge hyper confiants dès leur entrée. La grande majorité des joueurs et joueuses de ma génération, qui intègrent l’INSEP en même temps que moi, sont passés par le Pôle Espoir de leur région au préalable. Ils ont déjà cette expérience de vie collective et d’entraînement quotidien. 

De mon côté, au même moment, je suis chez moi, en famille, à la maison. Mes parents et moi n’avons pas souhaité que je parte au Pôle Espoir à Rennes. A l’époque, mes parents viennent de se séparer et ils craignent que ce soit compliqué, cela aurait fait trop de changements d’un coup. Mon équilibre et mon bien-être sont une priorité pour eux.

Mon arrivée à Paris représente un grand changement, du fait de l’environnement mais aussi en raison du rythme et des personnes que je côtoie. Tout est nouveau. Il faut se créer de nouveaux repères et de nouveaux liens. Je pense que c’est ce qui me permet de forger mon caractère et de m’affirmer en tant que jeune adulte. Je ressens que je n’ai pas forcément ce même niveau de confiance en moi. D’autant plus que ma génération est vraiment forte, avec de gros caractères. Aujourd’hui, la majorité des filles de ma génération sont professionnelles et une grande partie évolue ou a déjà eu une expérience à l’étranger. Il y en a au moins quatre qui sont internationales, donc on peut dire que c’est une génération dorée. 

Il faut donc se faire une place. Je dois avouer qu’au niveau du basket, mes 3 années représentent un réel défi, notamment concernant le travail que je dois faire sur moi-même. Je pense que c’est à cette période que je ressens davantage un manque de confiance en moi. 

Je me sens toujours en dessous, j’ai constamment le sentiment qu’il y a meilleure que moi. Selon moi, je ne fais pas partie de celles qui sortent du lot. Ces pensées ont tendance à m’inhiber. Je n’ose pas m’exprimer pleinement sur le terrain. Pour autant, je continue mon chemin, j’aime mon quotidien et je continue de travailler.

Heureusement, beaucoup de personnes croient en moi. Mes coachs me poussent, ma famille me soutient et mes coéquipières sont bienveillantes… Je pense que c’est ce qui m’aide réellement et qui me donne énormément de force. Je prends tout de même conscience de mes qualités, je suis très mobile pour ma taille, j’ai de la dextérité… Mon côté perfectionniste me pousse toujours à m’améliorer. Et malgré mon côté « trop gentille », que l’on me reproche souvent sur le terrain, mon égo se révèle aussi. Je le découvre. Je n’accepte pas d’être la dernière. Et pourquoi ne pas faire en sorte d’être la meilleure ? Tous ces aspects me tirent vers le haut.

Mes teammates mettent aussi la barre d’exigence très haute. J’ai forcément envie d’être de me dépasser. C’est aussi pour ces raisons que je vis des moments forts en Equipe de France jeunes, avec beaucoup de victoires, de médailles, mais aussi des moments difficiles qui soudent notre équipe, et des défis qui me font grandir en tant que joueuse et jeune femme.

Mon caractère se forge pendant ces années-là car c’est la période où tu grandis et tu te découvres par la même occasion. C’est réellement à ce moment-là que je prends goût au travail, à la compétition, à la concurrence, au sport de haut niveau tout simplement. Mine de rien, à chaque étape que je surmonte, j’emmagasine de la confiance.

LE PASSAGE DANS LE MONDE PRO

Lorsque je quitte l’INSEP, j’ai conscience de ne pas être tout à fait prête, mentalement et physiquement, pour atteindre la ligue féminine. De plus, il est important pour moi de maintenir mon double projet et de poursuivre mes études de biologie.

Je ne suis toujours pas sûre à 100% de devenir basketteuse professionnelle, je me laisse porter par les opportunités et avance à mon rythme. Mon but est de continuer à prendre du plaisir dans mon basket, de m’aguerrir et de prendre confiance sans brûler les étapes.


Lorsque que tu rentres dans le monde professionnel, tu découvres aussi le quotidien, la vie réelle. Tu dois t’organiser. Pour ma part, à mon passage en pro, j’arrive blessée, le kiné est à 10km et je n’ai pas de voiture car je ne suis pas encore majeure. Il faut trouver la coéquipière qui pourra m’accompagner. La salle n’est pas à côté de mon logement non plus. Je dois aussi gérer mes allers-retours à la fac et à la salle. Il faut préparer mes repas. Je dois me gérer, tout simplement. Il y a vraiment cette transition d’adolescente à mini adulte indépendante. Personnellement, j’apprécie tout de même cela car je suis quelqu’un d’organisée, qui aime son indépendance.

Pour être honnête, je n’ai pas vraiment d’attente du monde pro. Mais il est vrai que lorsque tu rentres dans ce milieu, tu t’attends à avoir des conditions optimales à tous les niveaux et ce n’est pas toujours le cas. Même si je commence l’aventure en deuxième division, je sais qu’en Ligue Féminine, les conditions sont similaires.

CE FAMEUX DÉCLIC

Mon évolution s’est faite progressivement. À ma sortie de l’INSEP, j’évolue pendant 3 ans en Ligue 2, à la Roche-sur-Yon puis à Reims. Ce qui me permet d’acquérir ma licence de biologie tout en continuant d’améliorer mon basket. 

 Le rythme de mes journées est vraiment intense, je me lève tôt, je rentre tard et surtout je cours entre la Fac et les entraînements. Ce sont vraiment des journées à flux continue.

Ces 3 années m’apportent beaucoup d’expérience, de plaisir et de confiance, je me sens enfin prête à passer à la vitesse supérieure. Je fais donc le choix, à 22 ans, de me consacrer à 100% au basket et de m’engager avec Mondeville qui évolue en Ligue Féminine. 

 Je pense que c’est à cette période là que je prends conscience de vraiment vouloir devenir une vraie joueuse pro. Mon mindset change à partir de ma signature à Mondeville. Les choses arrivent à moi de manière progressive.

J’ai un rôle majeur dans mon équipe. Je reçois ma première convocation en Equipe de France A, je signe mon premier contrat avec un gros équipementier… Cela me booste et me donne envie d’avancer toujours plus loin. Quand je reçois ma première convocation en Bleue, il y a du monde, de la concurrence mais je veux avoir ma place et recevoir la prochaine convocation.

Lorsque la barre monte à un certain niveau, tu ne veux plus jamais passer en dessous. Je continue mon évolution sans vraiment en avoir conscience. Ma mère me dit souvent: “Tu es toujours surprise de ce qui t’arrive mais tu n’es pas là par hasard. Tout ce que tu as c’est TOI qui l’a gagné, tu le mérites”. Et c’est vrai !

Par la suite, Tony Parker me contacte car il cherche à construire une nouvelle équipe féminine. Il me propose de faire partie de son effectif pour ce nouveau projet avec le club de l’ASVEL. C’est un nouveau challenge, une nouvelle expérience qui s’offre à moi.

L’ASVEL, POUR LE MEILLEUR COMME POUR LE PIRE

Selon moi, mon passage à l’ASVEL est vraiment un moment clé de ma carrière. Mais il n’y a pas une seule saison qui soit facile. On ne me donne rien. J’en tire énormément d’enseignements, je grandis sur le terrain et surtout j’apprends beaucoup sur moi-même. J’y reste 5 ans et sans ce passage là, peut-être que je n’en serais pas là.

Ma signature à l’ASVEL est un nouveau défi, je fais partie des premières recrues d’un club avec des ambitions fortes et assumées. Il n’est plus question de jouer le milieu de tableau. Je rejoins des joueuses d’expériences qui ont déjà joué l’Euroleague et gagné des titres. Inconsciemment, je me remets cette pression qui me déstabilise. Le coach me connaît et il a aussi des attentes. Il ne me fait pas de cadeaux. Il faut donc que je trouve les ressources pour surmonter tout ça et cultiver cette confiance.

La deuxième saison, l’équipe se renforce et les objectifs sont encore plus forts. Je suis confrontée à une concurrence plus importante avec des joueuses qui ont déjà une carrière remplie de trophées. Il faut donc gagner la confiance du coach, encore et toujours plus. Il faut être performante et efficace.

C’est la première fois que je suis confrontée à des temps de jeu aussi restreint. J’ai le sentiment de devoir faire mes preuves constamment et j’ai cette frustration lorsque certaines fois je me retrouve sur le banc. Pour autant, cela me stimule et me pousse à être encore plus présente à la salle, à travailler physiquement et individuellement. 

Cette saison est vraiment difficile, elle me forge, j’ai grandis vraiment sur le plan mental. Et la récompense est encore plus belle puisque l’on termine la saison avec le titre de championne de France où je termine MVP des finales. Encore une fois, est-ce que le scénario aurait été le même si la saison s’était déroulée facilement ?

Troisième année, je pense enfin avoir acquis la confiance du coach. Cette saison est dans la continuité de la précédente, des objectifs forts et un recrutement toujours plus complet. Mais elle est marquée par un arrêt total mi-mars à cause du COVID. 

Lors de ma quatrième saison à l’ASVEL, je m’éloigne des parquets pour la meilleure des raisons : je suis enceinte !

Enfin, ma dernière saison reste la plus difficile mais surtout celle qui m’impacte le plus personnellement. C’est avec enthousiasme et excitation que je reviens sur les parquets avec l’équipe. Le basket m’a beaucoup manqué, mes coéquipières et ma petite routine aussi. Je suis de retour en forme, plus que jamais, je me sens bien, je me suis préparée, j’ai travaillé avec un coach personnel avant, pendant et après ma grossesse. Je me sens donc prête, mes objectifs ne changent pas.

Nouvelle saison, nouvelles coéquipières et nouveau coach, que je suis curieuse de découvrir. Malheureusement, ça ne colle pas avec lui. Ni collectivement, ni individuellement. Je ne le sais pas encore mais cette saison va être la saison la plus compliquée de ma carrière… 

Je constate rapidement que le coach ne me fait pas confiance, il me reprend constamment. J’ai l’impression d’être sa cible et surtout je ne joue pas… Vraiment pas ! Je suis dans l’incompréhension. Je me remets beaucoup en question. Je travaille encore plus, je suis tout le temps à la salle ou en muscu. Physiquement, je me sens bien, sur le terrain aussi, mais rien n’y fait. Les discussions ne mènent à rien, je n’ai aucune explication, le dialogue est impossible… 

C’est comme ça, il faut savoir l’accepter. Je n’ai pas vraiment le choix, mais ce n’est pas facile car, pour moi, ce qui se passe est injuste. Je décide donc de me concentrer sur moi-même, de continuer à me développer personnellement. Je suis fière des ressources que je puise en moi pour dépasser cette période difficile où mon égo en prend un coup.

Sincèrement, être maman à cette période là, me permet de surmonter cette épreuve, sans cela je ne sais pas comment j’aurais surmonté la situation. Le fait de rentrer chez moi et de retrouver mon bébé m’aide à relativiser. Ma fille me donne beaucoup de force et d’amour. Elle ne le sait pas, mais elle est ma plus grande force et ma plus grande fierté. 

Une fois de plus, dans cette situation, je peux compter sur mon chéri, ma famille et mes teammates pour me soutenir. Cette saison est vraiment une déception sur tous les plans car nous ne gagnons rien malgré notre effectif solide. L’ambiance est délétère, pas entre les filles, mais globalement au sein du club.

Malgré tout, je veux retenir le positif : je réussis à surmonter cette saison mentalement, je me développe physiquement et tactiquement. Je me sens plus forte, tout simplement.

L’ARRIVÉE DE MA FILLE

Ma grossesse n’était pas planifiée, je découvre que je suis enceinte pendant le confinement. Nous sommes heureux, j’ai toujours voulu être maman. Mais un flot de questions m’envahit : Quelle va être la réaction du club ? Celle de mon coach ? De mes teammates ? Comment mon corps va évoluer ? Est-ce que je vais être capable de revenir en forme? Est-ce que je vais retrouver mon niveau après ma grossesse?

Je ne vais pas mentir, au sein du club, la nouvelle n’est super bien accueillie. C’est la douche froide. Je comprends que mon club ne va pas me soutenir, qu’il va falloir que je prenne en main, seule, mon travail physique pendant et après ma grossesse. 

Heureusement, je peux compter sur mon entourage, mon chéri, ma famille et mes amies. Je commence alors à m’entourer de personnes de confiance et compétentes pour gérer ma grossesse au point de vue médical et sportif car mon objectif est bel et bien de revenir en forme.

Bien m’entourer est une priorité pour moi, c’est ce qui me permet d’avancer sereinement et en confiance. J’ai de la chance, ma grossesse se passe bien, tout mon processus de préparation physique aussi. J’avance sans encombre.

L’arrivée de ma fille est un chamboulement, elle devient ma priorité. Je m’organise différemment, je dois anticiper les choses. Une question que l’on m’a souvent posée est : “Mais comment fais-tu pour gérer entre les entraînements, les matchs et ta fille?” Ma réponse est simple : “je fais comme tout le monde, nous sommes deux, nous avons une nounou et la famille qui est avec nous”.

La présence de ma fille est une force, elle me procure énormément de bonheur et me réconforte. Mon sens des priorités évolue. Le basket reste important, mais, je cogite moins sur les erreurs ou les points négatifs. Je ne ressasse plus un mauvais match pendant 3 jours. Quand je passe la porte et que je la vois je bascule dans mon rôle de maman, c’est ma fille qui devient ma priorité. Je relativise beaucoup de choses.

Pendant ma dernière saison à l’ASVEL, le simple fait de la voir dans les tribunes quand je suis sur le banc, que je n’ai pas de temps de jeu, me redonne le sourire. D’ailleurs, je ne peux plus commencer un match sans savoir où elle se trouve dans la salle. C’est ma force !

LA MÉDAILLE OLYMPIQUE

Les Jeux Olympiques sont un rêve pour n’importe quel athlète. Ça l’a été pour moi aussi, un rêve assez lointain, voir improbable. Je me permets à peine d’y penser. Au fur et à mesure de ma carrière, cela devient un vrai objectif, une étape à valider.

Lorsque je fais mes premiers pas en Équipe de France, je viens pour gagner ma place. Mon but à chaque fois est de progresser. A chaque fenêtre ou préparation, j’espère recevoir ma convocation.

Mes débuts ne sont pas évidents, à mon poste, il y a beaucoup de concurrence. J’admire chacune des filles que j’ai en face de moi.  Je vis des échecs, “des coupes”, comme on dit, et même si je suis lucide sur la difficulté de gagner sa place, ce n’est jamais facile à encaisser.

En 2012, c’est avec mes coéquipières de l’Équipe de France U18 que je regarde les Jeux de Londres à la télé. Quatre ans plus tard, je fais une partie de la préparation pour les Jeux de Rio en tant que partenaire d’entraînement. En 2020, enfin plutôt 2021, je vis les Jeux de Tokyo derrière mon écran avec ma fille de 6 mois dans les bras et je supporte mes amies qui y participent. Cette saison-là, je ne joue pas. Je prépare mon retour sur les terrains pour la saison suivante.

J’effectue mon retour en équipe de France en février 2022, un peu plus d’un an après avoir donné naissance à ma fille et quelques mois après mon retour sur le terrain. Mon objectif est donc Paris 2024 ! Mais le chemin est long…

Ce que la plupart des gens ne réalisent pas, c’est qu’en tant qu’athlète on ne se prépare pas aux Jeux Olympiques seulement quelques mois à l’avance. Généralement, lorsqu’une olympiade se termine, on se remet à travailler pour les jeux suivants. Pour ma part, ayant loupé les Jeux de Tokyo, mon objectif est de participer à ceux de Paris.

La saison qui précède les Jeux de Paris est pour moi assez particulière. Je ressens cette pression supplémentaire. On a envie de bien jouer, d’être en confiance et surtout de ne pas se blesser.

Puis vient le début des Jeux, enfin ! La fierté de porter le maillot bleu pour cet évènement exceptionnel, réservé à l’élite des athlètes et qui se déroulent en France. Le scénario parfait. Le mot qui me vient en tête quand je pense à ce moment est «Magique ! ». La chance de jouer à domicile, devant nos familles, devant le public français dans des salles pleines et des conditions incroyables. 

Ce qui rend ces jeux particuliers, c’est aussi le groupe de filles soudées que l’on est. Notre coach fait vraiment du bon travail afin de cultiver cette cohésion, au-delà des individualités, la synergie fonctionne. Je le dis souvent pendant les Jeux, notre groupe est spécial, il y a cette énergie qui se dégage entre nous, cette bienveillance et surtout, on veut toutes la même chose : GAGNER ! 

On enchaîne les matchs, portées par le public pour arriver à cette fameuse finale contre la Team USA. Ce match a, sans aucun doute, marqué les esprits malgré la défaite. Et même si la frustration d’être passées à côté de l’exploit est forte, je suis fière de notre parcours, de mon parcours et du visage que l’on montre lors de cette compétition. Après tout, nous sommes tout de même vice-championnes olympiques !

Je suis fière des ressources que je puise en moi pour dépasser cette période difficile où mon égo en prend un coup.

 

MON INTROSPECTION

J’ai coché pas mal de cases concernant mes objectifs sportifs. Je suis heureuse dans ma vie. J’ai accompli des choses auxquelles je ne me serais même pas permis de rêver en commençant le basket. Mais je n’ai toujours pas ce sentiment d’accomplissement total. En tant que sportive, on veut toujours aller plus loin. Gagner plus de médailles, plus de titres, c’est vraiment le meilleur des sentiments et c’est pour tout ça que l’on joue.

Quand je regarde derrière moi, j’ai tout de même ce sentiment de fierté et cette gratitude pour tout ce qui m’est arrivé. Ce que j’ai fait, c’est acquis, personne ne me l’a donné et personne ne pourra me l’enlever.

Selon moi, un de mes plus grands accomplissements a été de persévérer malgré les épreuves, quel que soit le moment de ma carrière, après ma grossesse, mais pas seulement.

A présent, je suis fière de mon parcours et d’être là où je suis. Et pourtant même aujourd’hui, à 30 ans, j’ai toujours certains doutes. Je sais ce que je vaux, j’ai conscience de ce que je sais faire, mais on ne m’entendra jamais dire que je suis la meilleure. Ce n’est pas moi.

Je suis persuadée que sans les difficultés auxquelles j’ai été confrontée aux différentes étapes de ma carrière, je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui. Les épreuves m’ont forgées mentalement, poussées à me surpasser, à travailler encore plus et me remettre en question. Cela m’a permis d’engranger de la confiance et pour tout ça, je ne changerais mon parcours pour rien au monde. Tous ces combats rendent les réussites plus belles encore, pour tout cela je ne veux retenir que le positif et je suis vraiment reconnaissante !

LAISSER MON EMPREINTE

Je prends conscience qu’il est important d’avoir un impact positif au-delà du sport et je l’accepte aussi de plus en plus. Aujourd’hui, j’espère pouvoir transmettre les valeurs que j’ai et que j’ai acquises.

Personnellement, il n’y a pas de personnalité en particulier qui m’a impactée. Je n’ai pas spécialement de basketteurs ou de basketteuses que je considère comme un modèle car pour être totalement transparente, je n’ai jamais vraiment regardé de basket comme la NBA par exemple. 

Je dirais que ce sont différentes personnes à différents stades de ma vie qui m’ont inspirée et apporté beaucoup de choses, certaines clés. Des personnes de mon quotidien ou encore des rencontres que j’ai pu faire qui m’ont fait avancer.

J’ai des amies très inspirantes qui entreprennent énormément et qui sont des femmes de caractère. J’admire mon chéri, par son mental, sa vision, sa capacité d’entreprendre et de s’adapter. Et aussi ma mère, pour la personne et l’exemple qu’elle est pour moi.

J’aimerais que plus tard, ma fille comprenne qu’elle a été ma force, qu’elle m’a accompagnée dans tout ce que j’ai entrepris depuis qu’elle est là. Forcément, elle ne l’intègre pas encore maintenant. L’héritage que j’aimerais lui laisser, ce sont mes valeurs, la résilience et la persévérance.

J’ai commencé et je vais conclure par ces mots :

La confiance, ça se cultive. Tu dois prendre ton bagage et le remplir au fur et à mesure. Ça ne se fait pas d’un coup. C’est une chose que tu construis surtout grâce aux échecs et aux difficultés. Ça embellit aussi tes petites victoires personnelles. Mes difficultés, m’ont permis d’accroître ma confiance en moi, de me sentir plus forte… De me prouver que j’avais cette force en moi.